J’avais la bougeotte. Je fourmillais dans la cuisine alors que mon amie laissait avec délicatesse infuser son sachet de thé. Je voulais préparer la pizza tout en continuant la précieuse conversation. J’avais mis la levure dans le petit bol avec l’eau tiède et je m’appliquais à faire dissoudre le bloc gélatineux. J’y ajoutais alors une cuiller de sucre en disant « tu verras, avec ça, tout ira plus vite, en quelques minutes la levure va se réveiller et mousser et la pâte à pizza n’en sera que plus vite levée ». Mon amie rit alors avec tendresse et me dit « ne veux-tu pas laisser à la levure le temps de faire son travail ? Elle a aussi son rythme -qui n’est pas le tien ». À ma réplique ironique sur le rythme du monde et le multitasking féminin elle répondit simplement « mais tu ne connais donc pas le slow food ? »
Né d’un italien interloqué par l’installation d’un McDonald sur une place importante d’Italie, le slow food (par opposition à fast-food, restauration rapide) se veut un « mouvement- arbre » aux multiples branches. Aller doucement veut dire s’enraciner dans une histoire culinaire qui va contre la globalisation des goûts et ainsi redécouvrir la cuisine locale. Au lieu d’utiliser YouTube pour découvrir le kimchi (choux fermenté coréen) pourquoi ne pas apprendre plutôt à faire ma propre choucroute ? Aller lentement veut aussi dire dénicher des gestes simples et redécouvrir la source des produits. Faire mes pâtes fraiches, mon levain, mes yaourts et même, peut-être, mon propre Nutella : autant d’aventures immenses aux goûts complexes comme repartir de zéro pour multiplier la diversité. En effet, si nous pensons tous connaitre le nutella, il était, avant tout, la gianduia c’est à dire des noisettes grillées et du chocolat. Si je cuis mes noisettes un peu trop, mon nutella sera corsé. Mes enfants diront peut-être que mon « nutella » ne ressemble pas au « vrai nutella », mais il devient, à travers mes essais, tradition vécue et multiplication de la monotonie du goût. Le mouvement, représenté par un escargot, demande la proximité des aliments, le rythme des plantes, le bio, le moins d’intervention possible et les animaux en liberté. Il faut, en effet, du temps pour voir une plante pousser et devenir, sous le soleil et la pluie, puissance de la nature révélée.
Comme le goût d’un plat lentement avalé, le mouvement du slow food est descendu harmonieusement vers les autres aspects de la vie. On prône la vie en vélo, la répétition des saisons, les vacances tranquilles et de proximité, le changement de battement de cœur. On propose d’éteindre les appareils pour mieux entendre la mélodie naturelle des respirations.
La valorisation de la lenteur : est-ce le snobisme d’hommes qui ont trop de temps ou un retour à la normalité ? Que vais-je faire de mon amour pour le McDo ? La contemplation du rythme du temps me conforte sur une seule chose : un jour même le burger sera slow food.
Plus d’infos sur www.slowfood.com
article publié dans l’Echo Magazine