pour mes dix ans, ma maman me demanda ce que je voulais manger avec mes amis. Consciente que le choix du menu allait augmenter ma popularité, égale à zéro, je choisis la pizza. J’étais fière de ce plat de ma mère : croûte épaisse, boursouflures de tomates comme des montagnes blanches et rouges. Cependant, devant les rires des invités et la morsure de mon embarras, je dus me résoudre à l’évidence : tout le monde ne mange pas la pizza de la même manière. Dans ma bouche, la pâte à pain se plie, tendre mélange de levure farineuse et de charbon croquant. Le coulis de tomates acidulé fait saliver mon palais alors que mes dents traversent les diverses couches qui se chevauchent : mozzarella fondue au goût neutre de gras, origan puissant, explosion des fibres vivantes du basilic vert. C’est ainsi que l’association pour la sauvegarde de la pizza traditionnelle décrit les sensations issues de la vraie pizza napolitaine. Il y a une recette originale, une vraie méthode pour faire la pâte, un diamètre obligé (30- 35 centimètres), seules deux garnitures possibles (mozzarella et basilic, ou ail et origan) et enfin une température obligée pour la cuisson au four à bois (500 degrés). Doit-on pour autant regarder avec dédain les mélanges culturels de cette galette humble au parfum d’été? Que dire de la pizza recouverte de frites ? De la pizza au mouton et gingembre (Inde)? De la pizza mélangée avec un kebab (sur une plage de Grèce)? De la pizza recouverte de viande de crocodile (en Australie)? Sans être aussi exotique, ma pizza est pourtant bien loin de l’« authentique» de Naples. Eau, farine, sel et huile d’olive : je mélange les ingrédients à la machine et je laisse lever ma pâte brillante et collante. Je l’étale à la main sur mes plaques de four. J’aime l’épaisseur qui me rappelle la pizza de ma mère et la tradition des pizzas deep-dish de Chicago (plat profond); une grosse croûte. Puis je me concentre : un enfant ne veut pas de fromage, l’autre veut des ananas, tout le monde aime le jambon et mon mari veut des anchois. J’applique ensuite les deux conseils importants qui m’ont été donnés par un bon pizzaiolo: déchirer la mozzarella en lambeaux inégaux pour qu’elle donne moins d’eau et ajouter progressivement les ingrédients selon leur teneur en eau. Le coulis de tomates et la mozzarella doivent être mis au four tout de suite, le jambon cru et le basilic ne doivent pas être cuits. Enfin, je n’oublierai pas que la pizza s’accompagne de bière (et non de vin!). Les règles de fabrication sont claires, mais les trahisons sont multiples et chacun peut porter fièrement ses préférences. Après l’éternel moment du choix, il faudra regarder son assiette sans regret et ne pas dire, comme je le fais souvent : «J’aurais mieux fait de choisir la même que mon voisin».
je me suis permise de rajouter cette vidéo qui a elle seule montre le grand art de l’étirement de la pizza (taille, épaisseur et possibilité d’être étendue ainsi dépendent bien évidement de l’élasticité de la pâte).
en cliquant ici, quelques infos supplémentaires sur la pizza deep-dish de Chicago
mise à jour mai 2017: l’existence des fermes à Pizza dans le wisconsin et le minnesota: CLIQUER ICI