à Cosima, ma courge à moi
Les contes de fées aiment les fruits et légumes parce qu’ils y trouvent une abondante source d’émerveillement. C’est ainsi qu’une nuit de fin d’été Cendrillon peut aller au bal où elle rencontrera son prince avec la courge que sa marraine a transformé en carrosse. Ce végétal n’est pas choisi par hasard. Il est le plus gros et plus visible des produits de notre horticulture. Il est aussi le plus fascinant à regarder pousser et se transformer, comme par magie d’une petite graine plate à une forme tout droit sortie d’une histoire pour enfant.
Dans la lumière dorée qui annonce le déclin de la nature vieillie par l’excès de soleil, je regarde mélancolique mon potager. Chaque lieu me rappelle un geste, un effort, une promesse. Il ne reste que cadavres, feuilles sèches, et là, rouge et gonflée, généreuse et presque assoupie, la courge m’attend. Elle me surprend dans ma tristesse, comme elle a sûrement étonné Christophe Colomb qui, le premier, l’a ramenée du Nouveau Monde. On m’a souvent dit que la courge est facile, qu’il « suffit » de planter sa graine un peu partout et une immense plante aux feuilles velues émergera. La plante déploiera ensuite ses tentacules rampants sur le sol, durant tout l’été, les recouvrira de feuilles comme autant de parapluies vert tendre qui nous empêcheront de voir le sol. Puis l’automne devrait arriver et révéler sous les feuilles pliées les gigantesques courges. On me dit toujours « il suffit » mais il n’y a jamais, dans mon jardin, que quelques courges mangées par les vers. J’ai souvent chassé ma frustration me convainquant que la courge était un fruit/légume hybride. Ni salé ni sucré, ni fruit ni légume (elle est, en fait, un fruit, comme les végétaux à chair qui ont des graines), 90 % d’eau, viande fade et croûte difficile à couper. Mais face à elle, cette année, quelque chose me touche dans sa puissante générosité.
J’aime que chaque forme puisse avoir un nom de baptême : « butternut », « potimarron », « citrouille », « potiron ». Les regarder sur les étalages me fait penser à la boite de crayons Caran d’Ache que j’ai acheté pour la rentrée. J’aime poser mon oreille sur sa croûte et écouter le bruit qui résonne quand je toque la surface. J’imagine alors cendrillon qui habite cet espace creux, là où dorment les graines si bonnes quand elles sont grillées. J’aime penser que la nature a voulu les courges au bon moment, quand le rouge des tomates et le violet des aubergines tirent leur révérence. La courge nous prend par la main à travers l’automne auquel finalement elle ressemble tellement.
Mais sa bonté est dans le temps qu’elle m’a donné : je pose mon regard sur elle quand tout commence à devenir froid mais elle était là dès le début. Elle a étiré sa vie du printemps quand j’ai mis mes graines en terre, à l’hiver tardif quand, dans ma cave, elle attend d’être consommée. Cela fait de cette créature de mythes la compagne rêvée de ma vie, conte « de fées » au quotidien.
Si poétique mon Amie!
J’aime lire ta douceur et l’evidence De la beaute dans tes textes! Merci 🙏