Quand mes enfants font des jeux de rôle, ils passent des heures à décider de leur personnage. «On dit que je suis une dame très riche et toi mon enfant orphelin?», «on dit qu’on est frère et soeur et qu’on habite seuls sur une île?». Jouer importe peu, tout est dans la construction des protagonistes et de leurs habitations: les fauteuils sont retournés, les couvertures deviennent des toits tenus par des livres. Et puis il y a l’été, moment d’éphémère éternité: l’instant où les héros deviennent réalité et les habitations des cabanes dans les arbres.
Les cabanes nous ramènent à l’âge de la guerre des boutons. Une période de notre passé collectif durant laquelle les enfants vivaient en culotte courte été comme hiver. Mélange de scoutisme et de Charlie Chaplin. Les cabanes dans les arbres appartiennent à ce monde-là. Les enfants sauraient probablement construire des fortins tout seuls à base de branches, de mousses et de cordes. Cependant les parents, voulant sans doute participer aux jeux de leurs enfants, entreprennent de leur faire des cabanes haut perchées «plus vraies que nature». C’est ainsi qu’après de nombreuses tentatives infructueuses, notre fils de 24 ans s’est mis à construire une cabane dans le noyer pour ses petits frères. Il faut en effet un arbre solide et bien intentionné (le cerisier, par exemple, est connu pour être traître, ses branches étant faussement solides). Il faut ensuite l’observer pour comprendre comment utiliser ses branches comme appui. Enfin, il faut se hasarder à construire une charpente sans aide et en l’air, ce qu’aucun entrepreneur sain d’esprit ne ferait. Ici de grandes traditions se dessinent, certains préférant planter des pilotis dans la terre, d’autres osant percer le tronc. Il faudra de toute façon placer des poutres horizontales qui permettront d’installer un plancher. Pour s’assurer de la solidité de ce sol, mon fils d’1,90 mètre s’est suspendu à chacune des extrémités. J’ai imaginé, amusée, les ingénieurs faisant de même. Sur une charpente bien faite, tous les rêves sont possibles au point d’en être écrasants. Des murs? Des fenêtres? Un toit? Une avancée pour pouvoir profiter de la vue? Enfin, cette pensée fulgurante: est-il trop tard pour traiter contre l’eau et les moisissures la charpente que, pleins d’enthousiasme, nous avons déjà fixée?
Le jeu de rôle est éternellement en nous; c’est la cabane de notre enfance que nous construisons pour nos enfants. Celle que nous avions rêvé de construire mais que nos petits bras, et notre temps limité par les nombreux «à table!», nous ont empêchés de réaliser. Mémoire, rêves et idéaux se mélangent.
Informations et conseils sur http://www.lescabanes.com et sur l’incroyable site de modes d’emploi http://www.instructables.com (seulement en anglais).
Article publié dans l’Echo Magazine