l’arbre le plus vieux d’Europe: L’If de Llangernyw (4000 ans)
je sens la vie qui bat en moi, qui me possède et me donne une structure. Mes pieds se multiplient délicatement et s’étendent dans l’humus frileux et humide. Le froid qui souffle me fait peur. Il agite tout, me fait chavirer, et me penche à toucher le sol. J’attends, tendu vers le ciel, le moment merveilleux où la chaleur lumineuse s’abattra sur moi. Au rythme de son apparition je vibre et m’étire. La clarté dilate mes bras, et mes feuilles, comme autant de petites mains, s’ouvrent, attendant d’être touchées. Je suis un arbre, coincé entre ciel et terre, et je n’ai qu’une année.
Je suis entouré de créatures qui bougent, elles! Comme moi elles aiment la chaleur, mais savent se recouvrir quand la lumière disparaît. Elles ont construit des lieux pour se couvrir, utilisant mes semblables pour se protéger. Je comprends que le temps passe et que les moments se reproduisent. Mon corps s’est recouvert d’une carapace épaisse, me rendant plus insensible à ces changements. Quand le froid arrive, l’essence collante qui me fait vivre descend dans les profondeurs de mon être alors que je m’endors pour mieux résister à la cassure froide et transparente qui couvre le sol. Je résiste, mais les êtres vivants autour de moi ne font que mourir et se reproduire. A mes pieds, ils creusent des trous pour y enterrer leurs frères sans vie et ils clôturent souvent l’endroit avec des pierres.
Leurs habitations ont changé et ils y élèvent désormais des êtres poilus dont ils se servent. Petit à petit ils ont scié la vie des arbres qui m’entouraient pour construire de nouvelles habitations, élaborées et légères. Je suis lourd et croûteux. Mes bras, autrefois si nerveux, semblent figés et massifs, attirés par le sol et difficiles à porter. Ma lymphe n’arrive plus partout et des bouts de moi s’éteignent. Quand le vent souffle, je sens des craquements de tous côtés. Face à moi, les humains semblent plus agités, ils fourmillent désormais à bord de scintillantes structures sans vie. Les pierres s’entassent dans des constructions bien plus hautes que moi, à perte de vue comme autant de liens gris. Mes nombreux pieds touchent leurs morts, qui s’entassent les uns sur les autres. Il me semble avoir tout enduré. Les couches successives de mon existence me rendent épais et monumental. Le temps qui a passé m’a fait considérer les hommes autour de moi. Ils sont si désireux de se définir sans s’enraciner ! Ils courent, souvent inconscients que c’est vers moi, et le sol à mes pieds
On peut dater l’âge des arbres au carbone 14. Cette technique a permis de trouver des souches vieilles de 13’000 ans. Comment regarder les arbres avec cette conscience; un grand chêne peut avoir été là avant l’existence des voitures, quand le monde était à cheval. Un autre peut avoir été là avant le début de l’écriture. Une liste des plus vieux arbres de la terre est diposnible sur wikipedia.