Elle me regarde et je suis fascinée. Il me semble l’avoir déjà vue, dans un de mes rêves. Elle a presque un visage humain quand le courant d’air fait bouger sa tête royale et vulnérable. La lumière qui passe à travers la membrane de ses pétales lui donne l’air d’un ange délicat qui déploie ses ailes. Les boutons ronds sur la tige sont autant de promesses d’un enchantement futur. Le temps s’est arrêté, orchidée tu m’as foudroyée, faisant de moi un disciple de plus. La fleur la plus sexuée (orchis, de testicule en latin) du monde occidental n’en finit pas de faire des adeptes. Afin de comprendre le phénomène qui touche Ikea comme le cabinet de mon dentiste, je me suis rendue chez ma mère. Si la symétrie absolue de la fleur d’orchidée rappelle le visage humain, c’est son comportement aléatoire qui la rend créature attachante. Les manuels, les spécialistes et les dépliants nous rappellent qu’il faut copier l’environnement de la plante, augmenter le niveau d’humidité de l’air (presque 70%), la rapprocher de la lumière et l’arroser. Il existe plus de 25’000 espèces de cette plante étrange, mais chaque spécimen est unique et réagit à son environnement de manière imprévisible.
Devant les fenêtres de ma mère, les pots transparents semblent un cimetière de grandes langues vertes. Cette vision m’a toujours empêchée d’acheter la plante. Ce végétal, en effet, ne fleurit qu’une fois l’an. C’est pourquoi le collectionneur ne semble finalement qu’un protecteur de feuilles. La phalaenopsis (orchidée des débutants, fréquente en grandes surfaces) fait exception, car elle fleurit régulièrement. Ma mère m’explique ses gestes en détail et j’en vois les fruits sous la forme de tiges fragiles fléchissant sous le poids de nouveaux boutons trop lourds. Elle sait quoi faire, regarde à travers les pots les racines tentaculaires nécessitant de l’eau, et arrose généreusement (pas les feuilles!). Si chez moi l’orchidée n’est autre qu’une araignée desséchée écartelée hors d’un pot trop petit, ici nous sommes au paradis. Maman reconnaît les copeaux de pin de bonne taille (moins d’un centimètre) nécessaires pour laisser les racines s’étendre. Enfin, elle taille les tiges dont l’heure de gloire est passée et attend avec la patience du grand collectionneur la nouvelle pousse prometteuse. On la dit fleur de l’amour. Regarder ma mère attentive à chaque pousse me fait comprendre le type d’amour que cette fleur nécessite. On parle d’une tendresse qui demande abandon, patience et flexibilité face à l’imprévisible différence. L’amour d’une mère, peut-être?
Je conseille une visite à l’orchidarium de Prangins. Le personnel, adorable et disponible, répond à toutes les questions et vend des plantes d’une qualité rare. Site internet
Article publié dans l’ magazine
sur le bord de la fenetre de mon enfance
la magnifique orchidée de Mme Monique Ammann, fidèle lectrice. Voilà quelqu’un qui a des doigts de fée!