après le fouillis, le nettoyage
$Lorsque mon mari part en voyage de travail, j’attends, trépignante, le moment de solitude. Durant son absence, la joie du temps libre devient vite sens du vide. Les premières heures du retour sont un émerveillement, puis vient le moment où nos défauts se retrouvent eux aussi. Que dire de mon jardin, parti hiberner en octobre? Je me suis languie de lui durant ces mois d’hiver et le moment des retrouvailles est arrivé.
Il semblerait, ce printemps, que Quelqu’un ait d’un coup allumé la lumière. Avec une joie non déguisée j’enfile ma salopette de travail (qui sent le moisi) et affronte le soleil éblouissant. J’avais volontairement quitté mon jardin d’octobre en prenant la fuite devant le froid et la pluie. J’avais laissé les tas de feuilles mortes pour que les hérissons et autres petits habitants de la nature puissent s’y loger, taillé mes haies sans grande conviction et rangé mes instruments sans regarder en arrière. Le premier geste du printemps est de redonner une forme au tout; de dire, en somme, à notre compagnon que les règles se décident à deux (même si, comme toutes les femmes, je pense que je peux avoir toujours raison). Il faut tout nettoyer, déraciner les premières mauvaises herbes aventureuses, projeter ce que l’on plantera au potager (un casse-tête). La nature est en roue libre, les ronces poussent, les petites tiges inoffensives sont devenues des petits arbres à déraciner, les tas de feuilles mortes se sont transformés en humus remplis de vers. Sans humilité je me mets au travail, et suis bien vite arrêtée par la quantité et surtout l’énergie nécessaire. Tout coup de bêche (l’espèce de pelle droite) sur ma terre encore froide n’aboutit à rien. Les gestes ne viennent plus et je me sens toute rouillée. Mon compagnon n’est plus celui qu’il était (et moi non plus). Trahison ou erreur de perspective? Devant la tâche, je n’ai qu’une solution: m’enfuir ou inviter des amis. Ils sont arrivés avec leur sagesse d’amis qui connaissent les couples (mes amis connaissent mon rapport à mon jardin). Ils m’ont écoutée, ont travaillé avec moi, m’ont gentiment souri et m’ont corrigée sur la nécessité des tâches absurdes. On a parlé de tout et de rien, refait le monde. Au soir j’ai levé la tête et le travail était fait.
L’expression «laver son linge sale en public» me sied comme un gant. J’ose admettre que sans mes amis la vie toute entière, et le jardin en particulier, seraient les lieux de tous les dangers. Le plus grand de tous étant l’écueil de moi-même et de mes attentes. Il va sans dire que, heureusement, mon jardin et moi n’aurons jamais besoin de thérapie de couple!