Nicolaï Vavilov étonnait ses parents. Petit, il observait déjà les plantes et aimait enfouir ses doigts dans le sol, sans effroi des lombrics qui lui chatouillaient le dessous des ongles. Comme tout bon russe né au tournant du siècle et fils de commerçants, il fut envoyé faire ses études (d’agronomie) et participa très vite à une première expédition dans le Caucase qui lui ouvrit l’esprit. Le monde était vaste : tant de terre à fouiller, tant de plantes à reconnaitre, tant de petits lombrics.
Il traversa les continents et assista de loin à la Révolution Russe et aux chamboulements de son pays. Le monde de la science n’ayant aucunes frontières, il fit ses études auprès de William Bateson, grand généticien anglais. Mais c’est son travail chez Vilmorin & Cie (encore aujourd’hui producteur de semences), en France, qui fut une vraie révélation. La sphère des graines était celle des plantes. D’une graine nait une plante, une plante se multiplie et transmet sa vie en générant d’autres graines. Comme pour l’homme et l’animal, les plantes contiennent le code de leur identité dans leurs graines. On peut alors dire que chaque espèce de pomme de terre contient dans une petite graine tout le code qui la différencie des autres pommes de terre.
A travers ses nombreuses expéditions, Vavilov remonta les pistes des diversités pour identifier 10 lieux sur la planète de profonde et riche diversité des espèces de plantes cultivées. Il fut le premier à constater que ces foisonnements (les milliers de différents maïs, ou de différents blés par exemple) coïncidaient avec les berceaux des grandes civilisations. La diversité des plantes : source de de richesse humaine et culturelle. Enfin il constata que si les champs du passé contenaient toute cette variété, la culture devenue intensive et monotone allait porter à une nouvelle pauvreté et probablement à des nouvelles famines. Que faire si nous devenons dépendants d’une seule plante ?
Vavilov rentra chez lui et travailla d’arrache-pied à la construction d’une grande banque des graines afin que le patrimoine des diversités botaniques ne se perde pas. Ami de Lénine, il était reconnu de tous comme un ami du peuple. Lors du grand siège de Léningrad, les gens mourraient de fin mais personne n’osa toucher la banque de graines, les botanistes moururent pour la protéger. A la mort de Lénine, sa pensée fut déclarée bourgeoise, il fut interné au goulag où il mourut de faim. L’institut qui porte son nom contient désormais plus de 300’000 variétés végétales dont 80% sont uniques au monde.
Alors qu’il est temps de mettre en terre nos graines, que les saints de glace approchent, je vous invite à chercher des espèces rares, à soutenir cette diversité, et à voir chaque graine comme le trésor que cet homme a su reconnaitre au prix de sa vie.