L’état de ma salle de bain a atteint un niveau problématique. Il y a dix ans, alors que les travaux de rénovation de la maison prenaient de l’ampleur, le dépassement du budget travaux nous avait laissés ébahis. Il avait fallu faire baisser les coûts en diminuant notamment les finitions de la salle de bain. Dix ans plus tard cette pièce, ironie du sort, est la plus visitée de la maison. Elle est le lieu des rencontres maquillage, de la baignade avec plongeons des petits et aussi celui où trône la balance et sa vérité.
Je me souviens du rire des artisans quand je leur décrivais son niveau d’utilisation. Ils n’imaginaient pas la horde de jeunes filles et les jets de pâte dentifrice du peuple d’enfants appliquant les cours du dentiste scolaire. La dégradation se voit surtout sur les joints qui épousent habituellement la forme de la baignoire. En gomme blanche et résistante, ils se sont rétrécis et ourlés comme les pourtours d’un champignon d’une importante couleur brunâtre. Fidèle à mon goût du risque, j’entreprends de les changer sans vouloir déranger les artisans et leurs moqueries. A Jumbo, je cherche l’allée des tubes de mastic. Ils se divisent en tubes pour salles de bain et tubes tout usage. Les marques, trop nombreuses, promettent de combattre les moisissures et d’être d’un usage facile. Cependant, la vidéo consultée plus tôt me dit que le tube ne suffit pas; je dois aussi acheter le pistolet en métal qui fera coulisser la matière par pression.
Chargée de papier de verre pour nettoyer les résidus, je rentre chez moi très fière. Je tente d’enlever les joints moisis qui se décollent sans aucun souci et je prépare l’endroit. Dans la vidéo, on conseille de sécher le tout avec un sèche-cheveux pour favoriser l’adhérence. A ma grande stupéfaction, le tube ne contient pas de mode d’emploi pour son ouverture. YouTube me sauve encore: il faut biseauter l’ouverture comme un campeur sa branche à griller les saucisses (je prends un couteau de cuisine). Je charge ensuite le tube dans le pistolet et étale le boudin qui vient avec difficulté. Comme indiqué sur les nombreux sites de conseil, je glisse avec mon doigt savonné pour remplir la fente de produit. Là, rien ne se déroule comme prévu. La matière fuit, tout s’étale, il y a des bourrelets. J’aplatis et colmate, puis accepte mon résultat approximatif bien réel. Dans deux heures, tout sera sec. Un vieil ami m’avait dit: «Ce qui n’est pas cher coûte cher». Il y a dans cette phrase une belle sagesse. D’une économie à l’autre, rafistolant des bouts de ma maison, je lui ai donné l’air pantois d’un clown après la fête. Toutefois, s’il faut recommencer souvent (et même faire venir des artisans pour corriger mon travail), c’est sans compter le goût du risque. Celui-là n’a, à mon avis, aucun prix.
article publié dans l’Echo Magazine