Elisabeth Bird en avait marre. Les gâteaux lui donnaient mal au ventre. Lorsqu’elle allait boire son « english tea » de 17h dans les cafés de la ville, elle subissait toutes sortes de ballonnements dans ses viscères qui rendaient son port fort disgracieux. Elle était anglaise et c’était le 19ème siècle, mais elle avait la chance de pouvoir parler librement de ses gaz à son époux, qui de métier était chimiste. Alfred ne sourcilla pas et réfléchit un instant. Sa femme devait probablement ingérer les gaz qui étaient déjà présents dans les gâteaux à travers les micro-organismes des levures de bière. Il entreprit alors des recherches qui le menèrent à l’une des grandes avancées de la pâtisserie contemporaine : la bien-nommée poudre à lever.
Nous l’appelons ainsi mais le terme plus juste serait levure chimique, ou pour Alfred Bird, baking powder (poudre à cuisson). Il s’agit pourtant toujours de la même crissante poussière blanche, vendue dans de ridicules petits sachets de papier. Elle fuit entre les doigts et mousse au goût acide sur la langue. Pour éviter qu’une pâtisserie ne soit pas compacte comme une brique, il faut y mettre de l’air. Avant Alfred, l’unique possibilité pour y arriver était pas l’utilisation de la levure de bière qui donnait à tous les gâteaux un goût prononcé de pain. Mais le chimiste imagina une autre solution. Pourquoi ne pas créer une réaction chimique dans le gâteau ? Il suffisait d’ajouter au mélange une substance qui aurait réagi aux autres ingrédients, une substance qui se serait subitement réveillée. Ses recherches le menèrent au bicarbonate de soude (minerai naturel multi-usage depuis l’antiquité), qui écumait au contact de substances acides (du citron, du vinaigre) pour créer la légendaire petite poudre. Il avait trouvé le premier des ingrédients.
S’il nous faut désormais simplement vider le sachet pour faire gonfler un gâteau, il est aussi possible de marcher dans les pas de Monsieur Bird en faisant sa poudre à lever soir même. Il suffit d’ajouter au bicarbonate de soude deux ingrédients tout aussi blancs en égales proportions : un agent acide (de la crème de tartre, -ingrédient naturel qui provient du moût de raisin- et de l’amidon de maïs -stabilisateur qui permet d’attendre que les deux poudres ne se rencontrent que lorsque le gâteau chauffe-. Puisque je n’aime que moindrement faire des gâteaux, j’ai entreprise de jouer à la chimiste à la place.
Alfred Bird a, quant à lui, inventé par la suite la poudre lyophilisée « Bird’s custard » permettant de faire de la crème à la vanille sans œufs. Elle est encore utilisée dans plus de 45% des ménages d’Angleterre. Son invention d’agent en poudre fut brevetée par un certain Dr. Oetker dont le nom figure sur les sachets de poudre à lever. Elisabeth, pour finir, fût libérée par la parole, l’agent chimique qui rend léger le mariage.