A l’aube des vacances j’avais demandé à mon mari, alors que je faisais les valises, de descendre et traiter les buis, qui étaient malades. Chose aisée qu’il exécuta rapidement. A mon retour, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que mes buissons étaient devenus de la paillasse sèche ! Face à mon effondrement, mon mari constata avoir traité d’autres buissons et n’avoir reconnu ni les buis, ni la maladie.
Il s’agissait de la pyrale du buis et, depuis, elle me hante. Je crois même l’entendre la nuit dans son œuvre infernale : grignoter, mâchouiller, crachouiller et digérer les feuilles infinies de toutes les belles haies d’Europe. Je vois partout les ravages de ce petit vers importé d’Asie par accident dans les années 2000. Le quiproquo qui a coûté la vie de mes jolis buissons (et quelques hurlements à mon époux !) m’a rendue attentive à cette petite bestiole et à sa dévastation. Mon imaginaire travaille et je l’associe volontiers aux plaies d’Egypte de l’Ancien Testament : nuages de sauterelles, pluie de grenouilles. Je m’imagine, au bord du Nil, ramassant une sauterelle inoffensive, regardant le ciel et me demandant ce qui les a poussées à se rassembler et à envahir nos contrées. Cydalima perspectalis, n’est, elle-même, qu’une petite chenille gonflée verte à poids noirs, qui se transforme en laid papillon nocturne. Elle est entrée en Europe par le nord et les scientifiques retracent son chemin lent de digestion progressive jusqu’au sud de la France choisissant de ne manger que des buis. Cette petite vermine a des goûts de luxe. Le buis est, en effet, l’arbre le plus aimé des grands châteaux et des jardins historiques, considéré même comme notre patrimoine végétal. Le coléoptère, dont l’erreur d’importation est fruit de la nouvelle mondialisation des végétaux, n’a aucun prédateur. Il peut voler 10 km pour trouver un buis et l’attaquer de l’intérieur. Quand le jardinier aperçoit ses feuilles mangées, il est, pour ainsi dire, trop tard et l’arbre meurt en quelques semaines, incapable de faire la photosynthèse. Si nous savons qu’une pyrale se reproduit 2 fois chaque saison et qu’il faut, à un buis, des années pour atteindre 50 cm de haut, il est facile d’imaginer la taille de la dévastation.
La résistance contre l’envahisseur s’organise. Il faudrait enlever les vers à la main, régulièrement, et mouiller les buis avec une bactérie phytosanitaire (qui ne tue que le ravageur), le Bacillus thuringiensis, dont l’effet est de bloquer l’intestin de la chenille et entraine son décès-. Le traitement devrait toutefois se répéter chaque deux semaines et coûte assez cher. Je suis devant un constat glaçant : si je désire garder des buis dans mon jardin, je devrai espérer l’importation d’une nouvelle bestiole qui serait le prédateur de la pyrale. C’est-à-dire, soigner un fléau par un autre fléau potentiellement plus grand encore. Je peux, sinon, assister à l’extinction d’une espèce végétale, dont seule l’Apocalypse a fait nom.
Article publié dans l’Echo Magazine