Il n’y avait qu’une chose pour inquiéter ma mère en cuisine, c’était la venue de son couple d’amis végétariens. Cette personne habituellement si créative se bornait alors à un fade plat de lasagnes à la béchamel et aux épinards que nous craignions comme la peste. C’était il y a trente ans, et les végétariens étaient rares. Nous les regardions comme des êtres exotiques portant du lin et de la laine aux couleurs naturelles, mangeant dans des bols en poterie émaillée. Je me souviens d’avoir trouvé très drôle les graines dans leur salade.
Désormais, je dois demander à mes amis ce qu’ils peuvent ingérer avant de les inviter. Le champ du possible s’est étendu à une myriade de variétés alimentaires dont le végétarien est le moins particulier de tous. Il y a les véganes (ou végétaliens), qui ne peuvent rien consommer d’animal (du miel aux chaussures en cuir en passant par le lait), les crudivores (qui consomment les choses vivantes et sont souvent végétariens), les adeptes du régime paléo (qui trouvent qu’il faut manger comme au Paléolithique, à savoir toute chose que l’on peut chasser ou cueillir, mais aucune céréale), les différentes intolérances alimentaires (pas de gluten, pas de lactose et j’en passe) et les personnes engagées comme les bios et les zéro déchet (qui achètent tous leurs aliments en gros pour éviter les emballages). Enfin hier, pour la première fois, un ami s’est présenté comme flextarien («je suis végétarien, mais parfois je fais des écarts»). C’est alors que j’ai pensé que le monde était devenu un peu compliqué dans son rapport à la nourriture.
Si les statistiques montrent que ces choix restent marginaux, l’omnivore «migrophile» (qui fait ses courses à Migros) auteur de ces lignes se sent parfois en minorité, devant presque justifier le fait qu’elle n’est ni très écolo ni très sans déchets ni très attentive à la quantité de la viande qu’elle mange. C’est là que le bât blesse puisqu’il me semble que l’on ne devrait pas passer autant de temps à conceptualiser ce que l’on mange et comment on le mange ni même devoir justifier ses choix. Je suis souvent perplexe face à des amis qui passent beaucoup de temps à recréer un rapport à la nourriture qui n’était certes pas parfait, mais qui appartenait à une histoire et à une tradition. Ces nouvelles tendances alimentaires sont-elles le fruit d’un désir d’aller mieux? De changer le monde? Je me suis donc lancé un défi pour l’an 2018: au lieu de regarder ces tendances alimentaires de loin, j’essaierai de les respecter, d’évaluer leur pertinence, de les suivre et de les faire miennes. Je ferai du lait végane, j’achèterai zéro déchet, j’essaierai de manger bio et de faire mes courses au marché. La suite au prochain épisode. n
Plus d’informations sur les tendances du végétarisme sur http://www.swissveg.ch
C’est déjà une belle manière de voir les choses 🙂 mais je m’interroge sur ta phrase « C’est là que le bât blesse puisqu’il me semble que l’on ne devrait pas passer autant de temps à conceptualiser ce que l’on mange et comment on le mange ni même devoir justifier ses choix »..
C’est à dire ? « Il semble que », « on ne devrait pas »… Mais au nom de quoi exactement ? Je ne sais pas si tu saisis où je veux mettre le doigt, mais je pense que précisément, c’est intéressant de se demander pourquoi nous avons telle ou telle vision de l’alimentation, pourquoi nous pensons que quelque chose est justifié parce que c’est la tradition ou « ça a toujours été comme ça »… Ou pourquoi à l’inverse nous voulons changer. Si je prends mon cas par exemple, j’ai d’abord mangé de tout sans me poser de questions, par habitude, et puis un jour quelqu’un m’a fait remarquer que quand-même, on se préoccupait des animaux sauf lorsqu’ils atterrissaient dans notre assiette. Et plus ça allait, moins je trouvais d’arguments pour le justifier. Aujourd’hui après plusieurs années de végétarisme, je suis, en gros, végétalienne. Mais ce n’est pas par plaisir de conceptualiser mon alimentation (en fait les végétariens ne réfléchissent pas chaque fois qu’ils mangent, on profite aussi héhé), c’est simplement parce qu’une fois les infos prises, j’ai été convaincue que ce n’était pas une bonne chose d’un point de vue éthique, et j’ai agi en conséquence. Une fois la décision prise, et bien je prends mes repas comme d’habitude, en savourant 😀