face au médecin, je hochais la tête sans rien écouter. Ma pensée allait sans cesse à la plante gargantuesque située derrière lui. J’observais ses bras, nombreux et tortueux, ses feuilles comme des assiettes d’un vert profond (sans une once de poussière) et un pot de taille et de couleur idéales. Si ce docteur savait soigner les êtres humains, il était encore plus capable de prendre soin de sa méga plante. Mais peut-être était-ce le travail de la secrétaire?
L’existence de ces immenses plantes vertes d’intérieur m’interroge. Viennent- elles d’être achetées au prix fort ou sont-elles le résultat d’au moins dix à quinze ans de patiente croissance et de cohabitation avec leur propriétaire? Je ne peux y croire. Il y a des personnes qui ont des plantes qu’ils ne tuent pas pendant plus de dix ans. Ils les déménagent, les soignent, changent le pot, les dépoussièrent. J’ai des amis dont les plantes sont devenues des éléments de décoration dans des pots sublimes. J’ai été, ironiquement, nommée responsable de l’arrosage des plantes de mon bureau. Quand j’ai questionné mon entourage sur le geste à faire, on m’a répondu avec gentillesse: «Tu pourras aussi leur parler!». «Et que vais-je leur dire? Grandis?», ai-je pensé. Décidément je n’y connais rien. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Malheureusement, chaque plante a son rythme, chaque pot sa taille et chaque arrosoir une seule contenance. Je casse les «jolis» pots, je mets de la terre partout et je mouille à l’excès ou trop peu – trouvant enfin la distance jusqu’à la source d’eau simplement impossible à refaire. Quand une plante survit, ses feuilles se tachent, indice d’un manque de sels minéraux ou de la présence d’une bactérie. Pourquoi tous ces efforts si les plantes sont belles dans leur milieu naturel et que le ciel s’occupe de les nourrir et de pourvoir à leur exposition et à leur humidité? Je me suis concentrée sur les cactus, dont la croissance est frustrante mais dont, avouonsle, les enfants n’arracheront pas les feuilles.
Janvier rend toutes les résolutions possibles. Les années de faillite me semblent tout à coup un détail dans le tableau. Cette année, je garderai vivante une plante verte! L’être digital que je suis s’est mis à chercher sur internet une plante symbolique de cette nouvelle Douve capable de s’occuper des plantes d’intérieur. Mon dévolu s’est porté sur la calathea. En effet, ses feuilles ont tendance se replier sur elles-mêmes. De son observation, les Anglais ont tiré l’expression turn a new leaf, qui veut dire «tourner la page et recommencer». Amis jardiniers débutants, incapables ou déprimés par de trop nombreux échecs, cette année sera à nous. Et vous, experts, soyez patients. Oui, c’est possible: il y a des gens qui n’y comprennent rien!