Les parents font parfois des choses absurdes. J’en ai vu qui étalaient du beurre sur les deux côtés des tartines et j’en ai vu qui portaient le matériel de ski de leurs enfants pendant que ces derniers gambadaient au milieu des voitures. J’ai vu des parents céder sur des cadeaux à quelques semaines des anniversaires et d’autres passer des heures devant l’assiette de leur enfant pour leur faire avaler une cuillère d’épinards.
J’ai fait toutes ces choses, mais celle qui me caractérise le plus est d’avoir rapporté de mes vacances en Italie, pendant quinze ans, de la lessive liquide au savon de Marseille parce que mes enfants «en aimaient l’odeur plus que tout». En effet, si la lessive se divise entre savon en poudre et savon liquide, ce dernier a la propriété étonnante d’avoir des odeurs puissantes de «linge propre» tout à fait inventées (le linge propre n’ayant par définition aucune odeur puisqu’il est… propre!). Dans cette catégorie, la lessive parfumée au savon de Marseille a progressivement occupé, en Italie, 70% du marché, séduisant mon cœur de mère. Ainsi est née mon importation secrète de barils entiers (pour le linge annuel de 8 personnes) jusqu’au jour où une amie bienveillante m’a annoncé que je pouvais fabriquer ce liquide à la maison. C’est ainsi que j’ai râpé mon premier bloc de savon de Marseille avec la râpe à fromage devant mes enfants amusés. Le geste était simple et la consistance ressemblait étonnamment à celle du gruyère salé. Les recettes sur internet proposant différents dosages j’ai donc, un peu au pif, dissous ces copeaux dans trois à quatre litres d’eau frémissante. Bien des sites internet et des livres proposent de revenir à la tradition de laver son chez soi avec des ingrédients biodégradables (bicarbonate de soude, vinaigre, savon noir et j’en passe). Consciente que la sauvegarde de la planète passait aussi par la sauvegarde de no tre équilibre familial, j’ai recherché les ingrédients «magiques» à ajouter à mon liquide gluant de glycérine nacrée. Il faut y ajouter du bicarbonate de soude (quelques cuillères à soupe) qui permettent d’adoucir l’eau et de renforcer le pouvoir nettoyant du savon. Il faut aussi ajouter des cristaux de soude, à l’action puissamment détachante. A 22 heures je mélangeais ma masse lourde dans la casserole et c’est là que j’ai entendu mon fils dire «yo maman, t’es trop forte, tu multiplies le savon de Marseille». J’étais en effet passée d’un carré de savon à quatre litres de produit condensé, c’està-dire huit bouteilles de lessive liquide.
Si j’ai résolu le problème de l’importation, je me suis retrouvée devant mon lave-linge, le seau de produit au sol et la louche à la main, avec la nécessité de faire vingt gestes plutôt qu’un seul juste pour «la bonne odeur». Mais ne sauverions-nous pas la planète juste pour nos enfants?