mon palmier quand il allait bien
Afin de fêter leur bébé juste né et la sortie de l’hôpital de la nouvelle maman, mes amis choisirent un restaurant discret et silencieux. A la fin du repas, ils payèrent l’addition et quittèrent les lieux. Ce n’est qu’un petit moment après qu’ils se rendirent comptent qu’ils avaient oublié leur nouveau bébé au restaurant. Oui, ces choses arrivent, et elles ne sont pas le signe d’un manque d’instinct maternel. Est-il naturel et inné? Doit-on faire des cours pour être de bons parents?
Combien de fois ai-je entendu: «Ne me donne pas de plantes, je n’ai pas la main verte» ou, avec un regard catastrophé, la phrase rédhibitoire: «Je les tue toutes». Les plantes meurent, c’est vrai, pour le bonheur des jardineries qui nous en vendent d’autres. Avant d’en arriver là, nous les accueillons, et sommes souvent humiliés par notre incapacité à comprendre les nombreux signes qu’elles nous donnent. Petites, elles sont comme un nouveau-né qui pleure pour une raison inconnue. A-t-il soif? A-t-il besoin d’être changé ou porté? Les critères, avec les plantes, sont aussi peu nombreux qu’avec les bébés, et pourtant on s’y perd. Ce n’est pas sorcier: qualité de la terre (son nutriment), quantité de soleil (qui lui permet de respirer et de faire la photosynthèse) et quantité d’eau (pour qu’elle boive). Une étiquette accompagne même les nouvelles plantes, et ce n’est pas le cas pour les nouveau-nés.
L’instinct «plantaire», que l’on appelle la main verte, se révèle-t-il à ce moment-là? Certains savent-ils mieux comprendre que d’autres ce dont une plante a besoin? Lorsque je visite certains jardins ou certaines maisons et que j’entends des propriétaires sûrs de leurs gestes et «parents» de plantes taxées de «difficiles», je ne peux que m’aplatir humblement et reconnaître que s’il existe un instinct, ils l’ont à coup sûr. La plupart d’entre nous naviguent à vue. Un petit palmier a ainsi testé mes limites. Il était original avec ses jolies feuilles rondes. Je devais lui donner de l’eau quand la terre deviendrait sèche. Je n’ai jamais compris cette recommandation: la terre doit-elle être sèche en surface? Doit-elle être sèche quand j’enfonce mon doigt? Quand il a commencé à perdre ses feuilles, j’en ai conclu que je lui avais donné trop donné d’eau. Puis les feuilles ont séché et j’étais horrifiée: je l’avais laissé mourir de soif. J’étais face à un besoin mystérieux que je ne pouvais assouvir sans me tromper, car il faut des jours pour comprendre si notre diagnostic est juste. Le nombre de jours qui peut aussi tuer la plante. Mon palmier est mort, mais d’autres plantes ont survécu. S’il existe un instinct inné pour les plantes comme pour les enfants, la plupart d’entre nous comblent le manque d’instinct avec le temps: celui de l’erreur, de la joie, de l’effort, de la fidélité. Le don qui nous rend tous égaux est celui de recommencer.
Article publié dans l’Echo Magazine