Qu’ont en commun le chocolat, le brie, les olives, le vin, le yoghourt et parfois le pain? Ces aliments sont le fruit d’une fermentation qui leur donne un goût inimitable. Ce processus semble obscur, aléatoire et plein de choses bizarres comme des champignons, des mousses et de drôles d’odeurs. Il est temps de lever le voile sur ce mystère de la nature puisqu’il n’y a pas de fermentation sans bactéries et que ces dernières sont tout autour de nous.
Je suis entrée dans le bain moussant de la fermentation par le pain au levain. Que se passe-t-il dans une fermentation? Parlons donc des bactéries. Comme tous les peuples colonisateurs, les bactéries cherchent un terrain et de la nourriture. Dès qu’elles en trouvent un qui leur semble fertile, elles s’y implantent, se nourrissent et se multiplient. Ce faisant, elles se battent contre d’autres bactéries tout aussi invasives qu’elles. Elles se multiplient si vite qu’elles transforment leur environnement – qui était aussi leur nourriture – et le rendent invivable pour elles-mêmes. Elles meurent finalement affamées. L’homme a toujours su empiriquement que les bactéries existaient et il a canalisé ce processus dans la magie de la cuisine. S’il est impossible d’obliger une bactérie à venir quelque part, il est possible de favoriser son arrivée afin qu’elle fasse ce qu’elle sait faire: transformer nos aliments et les rendre digestes. Quand la farine rencontre le liquide, si l’on attend sans avoir peur de la décomposition et de l’odeur, des lactobacilles viendront coloniser le mélange et le transformeront en levain.
J’ai fait mon levain! Durant trois jours, j’ai mélange dans un verre deux cuillères de farine et deux cuillères de jus d’ananas, ajoutant chaque jour deux cuillères supplémentaires de chacun. L’ananas garantissant l’acidité correcte du mélange, les bactéries sont accourues, se sont mélangées aux levures présentes sur la farine, ont mangé et produit des gaz. Le mélange épais et mousseux en résultant était la preuve de leur extensive présence. Il a fallu ensuite les nourrir comme des animaux de compagnie. Le levain ne peut être utilisé que s’il est vivant: j’ai donc ajouté tous les jours une tasse de farine et une tasse d’eau. J’avais l’impression d’avoir une colonie de fourmis. C’est cette masse vivante que j’ai enfouie dans ma farine pour faire du pain: les bactéries ont fait leur travail, elles lui ont permis de lever et d’acquérir le goût inimitable du pain au levain. Si la cuisine est souvent la mort des aliments, la fermentation, qui concerne un tiers de l’alimentation, est un surplus de vie. En mangeant du pain au levain, j’ai le désir de ne pas oublier que derrière chaque tranche, il y a le miracle d’une colonisation et d’un combat à une échelle microscopique mais universelle.
La meilleure video sur le levain naturel (en anglais, sous-titres possibles)
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Article publié dans l’Echo Magazine