Non, l’Avent ne commence pas le 1er décembre! Je le dis à mes enfants qui ne pensent qu’à ouvrir la fenêtre du calendrier kitsch pour y trouver un chocolat au goût douteux. Le savoir ne m’empêche toutefois pas d’oublier systématiquement le début de l’Avent (si seulement il était fixe!).
Une fois de plus, je m’assieds sur le banc de l’église et je constate avec effroi qu’une couronne gigantesque trône au bas de l’autel, la première bougie allumée. Il me faut une couronne à tout prix! Si je rate le début de l’Avent, mes bougies n’auront jamais le joli look «decrescendo» en escalier typique des pros, ces gens qui allument leur couronne avec diligence. Les couronnes en fleurs et feuilles ont toujours existé, surtout dans le contexte religieux: le cercle représente la perfection de Dieu et la nature reflète la finitude de l’homme. Cependant, la tradition de les utiliser avant Noël est née au 19e siècle. Un pasteur désireux de faire patienter les enfants imagina ce subterfuge précurseur du calendrier à petites fenêtres: allumer une bougie chaque dimanche de la grande attente. Je peux, bien sûr, me replier sur les couronnes tristes et compactes des fleuristes. Chaque année cependant, le mélange de spray doré et de petits cadeaux en plastique collés, ainsi que le prix exorbitant, ont raison de moi. Or, réaliser sa couronne est possible: il suffit d’un cercle de paille et d’une bobine de fil de fer. Les codes de couleur sont importants: le feuillage qui la décore doit être vert, symbole d’une vie hivernale qui attend la couleur du Messie. Les bougies doivent être blanches ou rouges, lumière ou préfiguration de la Passion. Branches de pin, feuillage persistant du lierre, mousses et lichens, toute la nature s’invite sur ma couronne. Je l’attache fermement autour du cercle de paille à l’aide de ma bobine de fil, le chevauchant peu à peu comme sur un plateau de viande froide. Le geste me permet de dérouler progressivement toute ma bobine et de revenir au début, où je fixe le métal sous la paille. A ce stade, elle ressemble aux sourcils broussailleux de mon professeur de philosophie et je me transforme en esthéticienne: j’égalise et je lisse avec un sécateur, je plante des bougies grâce au fil de fer (chauffé) et je la maquille à l’aide des noeuds, des fleurs et des pommes de pin, qui incarnent la joie de mon attente.
Les bougies penchent un peu, le rendu est inégal, à l’image de mes mains recouvertes de sève collante et brune. Je suis prête à entrer dans le temps de l’attente, avec les quelques jours de retard caractéristiques de ma personne. Dans la couronne posée sur la table, je vois la nature qui attend et aussi l’attente qui est ma nature. .
Ma tendre amie qui fait sa couronne chaque année ne m’a jamais autant donne envie de faire ma propre couronne car la sienne me paraissait si parfaite! Cette lecture vient de changer les choses. Cette lecture m’a dévoilé le secret de mon amie: l’amour qu’elle y met la rend tout simplement magnifique; peu lui importe le retard, la sève ou le trop plein de fil de fer.
Merci Douve