« Ah, le joli mois de mai ! » ; de petites moustaches vert tendre recouvrent les arbres pré-pubères. Il nous vient l’envie de respirer plus profondément devant le ciel plus intense. Nous avons tant attendu le soleil de la peau dénudée, celui qui nous fait croire qu’à partir de maintenant tout sera possible. Une ombre rase pourtant ce tableau parfait, car les Saints de glace se profilent, comme chaque année depuis le Moyen-Age, les 11, 12 et 13 mai.
A l’hilarité générale, j’ai d’abord cru que l’on disait les « seins de glace » (il existe bien un film du même nom avec Claude Brasseur de 1974), puis que l’on disait « saintes glaces ». Le nom et son aura sont si répandus qu’il n’est pas nécessaire d’en connaître l’orthographe pour tout savoir sur son sens. « Avant cette date, tu ne planteras pas en plein champ, par peur de la glace au sol ». La tradition fait frémir les incrédules et amateurs de jardin, qui freinent leurs élans dans les jardineries et attendent, à tort ou à raison, la date fatidique pour planter les tomates et autres plantons sensibles au gel. Depuis le Moyen-Age en effet, on associe les Saints Mamert, Pancrace et Servais- dont les seuls prénoms, réellement bizarres, font frissonner- à un creux de température majeur. Ironiquement depuis que la météorologie est science, des spécialistes se penchent sur la réfutation de cette tradition avec tant de graphiques, données et autres informations, prouvant en effet que si la vague de froid de mai existe bel et bien, elle n’est pas associée à ces dates, n’existe que partiellement ou ne résulte que de croyances populaires comme celle de la patte de lapin.
Qui croire ? Dans le monde de la technologie nouvelle, vais-je regarder le nouveau site internet de méteosuisse (que je conseille à tout le monde), ou me fier à la tradition chrétienne ? Mais n’y a-t-il pas, avant tout, une erreur de méthode ? Depuis quand les Saints sont-ils porteurs de mauvaises nouvelles et terribles augures ? Le même Saint Mamert n’est-il pas l’Archevêque qui a institué la fête des Rogations, fête des bénédictions des semences et de la fertilité des récoltes ? A l’intérieur d’une culture de foi chrétienne ou chaque geste est éducation pour l’homme en chemin sur cette terre, la tradition des Saints de glace éduque à la patience, au sens du temps. Si planter avant mai est possible, attendre une bénédiction des semences et contempler le fait que le froid, comme la fertilité, nous sont donnés, tout ceci éduque à la sagesse du jardinier.
Avec ou sans preuve j’attendrai. D’ailleurs, comme 2000 ans de chrétiens avant moi, je demanderai à Saint Antoine de retrouver mes clés, et au même Saint Pancrace de trouver ma place de stationnement. Si parfois je me sens habitée de superstitions, j’ai des moments de vraie conscience, en demandant à un Saint de m’éduquer par son exemple. D’autre part je remercierai la tradition chrétienne d’englober sans gêne tout : gel, fertilité, clés et places de stationnement.