Dans les jardins de Grasse, le jasmin fleurit. Bientôt les champs seront recouverts de petites fleurs de dentelle blanche, gorgées de parfum sucré. Je suis dans le sud de la France, et la petite ville de Grasse, surnommée capitale mondiale du parfum est entourée de champs à perte de vue ; roses, lys, bigaradier (pour leur fleurs d’oranger), tubéreuse, violette et bien sûr aussi jasmin.
Le jasmin est une plante de jardin « facile » ; grimpante, ne perdant pas ses feuilles en hiver, parfumée et jolie, robuste et adaptable (mis à part dans mon jardin où elle est déjà morte à deux reprises). Elle est surtout connue pour sa minuscule fleur (2 cm au maximum), à l’odeur âcre et suave, narcotique et crémeuse. A Grasse, planter le jasmin grandiflorum (à grandes fleurs) est devenu un art. Depuis 3 siècles on le taille en petits buissons bas pour en récolter les fleurs à la main, de juillet à octobre, à l’aube (car elle n’embaume que la nuit), très rapidement. Chaque cueilleur réussit l’exploit de ramasser 1 kilo de fleurs par jour. Dans le passé, les fleurs étaient ensuite piquées une par une dans des tamis recouverts de graisse animale. La graisse était ensuite récoltée pour donner la concrète, la première pâte avec un condensé d’odeur. Aujourd’hui les fleurs sont cuites avec de l’hexane (un solvant) ; le liquide est ensuite condensé et divisé pour donner la concrète du parfum. Le processus, bien que simplifié, reste peu productif. Il faut 2000 heures de travail pour donner 750 kilos de fleurs, qui produiront un kilo de concrète de jasmin.
Pourquoi alors ne fait-on pas de jasmin synthétique, ou n’exporte-t-on pas production dans des pays, moins chers ? Comme le parfum n’est pas le même sur deux personnes qui le portent, le jasmin n’est pas le même dans deux terres qui le font pousser. Les grands noms de la parfumerie, en particulier Chanel ont choisi de rester en France car Grasse possède des qualités inimitables tels qu’un sol argilo-calcaire, et un emplacement « en cuvette » permettant à l’air marin de bien circuler. Tout ceci confère à ces fleurs une odeur unique. Les grandes marques du luxe participent à sauver cet artisanat et sont motivées par le succès des parfums qu’elles créent. L’éponyme n°5 de Chanel, parfum le plus vendu au monde, est en effet composé à plus de 10% de jasmin de Grasse.
Si l’animal ne construit que des choses utiles, l’homme se distingue par sa capacité de crée du beau et de l’inutile. Quoi de plus sublime que la cathédrale éphémère qu’est un parfum ? En quelques secondes, la perfection olfactive disparait pour ne laisser qu’une place dans notre mémoire, car l’odorat est le sens le plus efficace pour activer les souvenirs. C’est alors que le travail méticuleux et infini des cueilleurs de jasmin prend tout son sens. Tendus à la perfection de la tâche, ils participent à la création d’un luxe qui nous rend proprement humains.
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