Il y quelques années, alors que je me préparais à un important rendez-vous d’embauche qui aurait lieu chez moi, je me mis en tête de prou- ver à mon futur employeur mes compétences de jardinière. Je préparai donc avec la menthe de mon jardin une infusion à l’odeur agréable. Quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu’il mit le thé en bouche, de le voir grimacer. La tisane avait en effet le goût prononcé du baume gélatineux Vicks que ma mère étalait énergiquement sur mes poumons dans mes nuits d’enfant malade.
Dans ma joie de jardinière novice, j’avais planté dans mon jardin des menthes au nom prometteur: «menthe chocolat», «menthe orange», «menthe anglaise», «menthe marocaine», «menthe poivrée» et j’en passe (il y plus de 600 variétés de menthe). Je les avais plantées espérant les voir se mélanger tel un tapis odorant dont j’aurais pu confectionner toutes sortes de mets. Les menthes avaient des dons notoires pour la jardinière novice que j’étais. Elles s’acclimatent dans tout type de terre (préférant les sols humides), supportent qu’on les taille n’importe comment et se propagent vite par stolons, ces tiges souterraines qui s’étirent partout et donnent naissance à de nouvelles pousses. En bref, je n’avais rien à faire et elles allaient être extraordinairement fertiles. Devant ce thé difficile à avaler, un affreux doute m’étreignit pourtant: qu’avais- je planté?
Il y a en effet deux grandes catégories de menthes. Certaines peuvent être mangées, cuisinées, ébouillantées. C’est le cas de la menthe verte et de ses cousines rapprochées, comme la menthe marocaine. D’autres contiennent du menthol, une substance d’une grande puissance, rafraîchissante et brûlante, qui est utilisée dans les médicaments, dentifrices et cosmétiques. Les menthes qui en contiennent sont déconseillées à la cuisson et a fortiori sous la forme d’un thé lors d’un entretien d’embauche. Il s’agit de la menthe poivrée et de ses consœurs comme la menthe anglaise. On la trouve sous le nom de peppermint dans les chewing-gums, par opposition à spearmint, la menthe verte, plus douce. Catastrophée par cette découverte fondamentale, je retourne à mon potager pour trouver un parterre de menthes mélangées. Comment y retrouver la menthe poivrée et l’écarter des autres? Je suis sans remède car, malgré toutes les descriptions, il me semble que toutes les menthes se ressemblent un peu. Il me reste deux solutions: soit je goûte branche après branche au moment de la cueillette pour y trouver la notoire brûlure du menthol, soit je décide avec réalisme que, la prochaine fois, je servirai à mon invité un thé de thym ou de sauge.