Il passait et repassait devant elles, se donnant une contenance. Finalement, il l’a choisie, caressant sa joue pour en sentir la texture. Elle était délicate, juste éclose, rose clair. Son parfum en disait long sur son vrai caractère. Mais il avait oublié les règles ancestrales de l’approche des femmes et s’est piqué. Il a fait un bond en arrière, la regardant avec reproche. Meurtri, il s’est pourtant décidé et est reparti avec sa rose. Le jardinier savait qu’il ne serait peut-être pas à la hauteur, mais il s’est lancé comme un homme qui épouse la femme qu’il
aime.
Les roses peuvent être grandes, petites, faussement fragiles, capricieuses, généreuses, jalouses, envahissantes ou difficiles, mais il est impossible d’en connaître la vraie nature sans s’engager; celle-ci se révèle au fil des années, comme les femmes. «Pour le meilleur et pour le pire, dans la santé comme dans la maladie», dit la liturgie des noces. Aucune fleur n’est plus sensible aux maladies. Pourtant, c’est la fleur la plus désirée de tous les jardins et, de façon presque irrationnelle – ou amoureuse? – le jardinier se lance. Comme dans les histoires de mon enfance, les plus délicates sont aussi les plus nobles et les plus belles.
Cette année 2013 est difficile et le moment de vérité est arrivé. Le froid a freiné la pousse des plantes, puis la température a augmenté brutalement pour reprendre ses moyennes saisonnières. L’humidité a favorisé l’éclosion de tous types de maladies, comme l’oïdium (des taches blanches et poudreuses). Vont-elles résister au choc ou céder sous le poids des difficultés? Il faut préparer le terrain en traitant préventivement, tailler correctement au printemps et en automne, traiter avec les produits «spécial fongicide» (il y en a de plus ou moins bio, et le site Terre et Nature donne quelques recettes à ce sujet), nettoyer correctement leurs pieds, enfin les associer à des plantes qui les protègent, comme la lavande. Mais il faut surtout les observer et les observer encore. Les sites internet et la littérature regorgent de trucs et de techniques. Mais rien ne remplace la main aimante du jardinier fan de sa rose.
Quel mystère! Le jardinier cherche la facilité, mais la beauté des roses le pousse à affronter toutes les difficultés. Ce n’est qu’au terme de la lutte qu’il saura combien le combat en valait la peine. Il y a là un paradoxe, car c’est la difficulté qui éduque le jardinier à aimer sa rose même les années où, infidèle, elle ne fleurit pas.
Article publié dans l‘Echo Magazine