Pour découvrir les propriétés botaniques des plantes, tous les sens sont nécessaires. J’en ai pris conscience au Salon romand de l’herboristerie pratique, samedi dernier à Nuvilly, près de Payerne. On utilise la vue, bien sûr, le toucher (rugueux ou velouté?), l’odeur (fétide ou mielleuse?) et même le goût pour découvrir la vraie nature de la plante. Une expérience faite avec le pissenlit qui tapisse en ce moment nos prés.
Quelles drôles de plantes! Je ne les avais jamais observées, si ce n’est pour constater que mon jardin en contenait décidément trop, qu’elles étaient résolument trop jaunes et disgracieuses. Question de goût, mais dans mes souvenirs d’économiste la rareté est le facteur principal du prix et de la demande. Qui peut désirer ou aimer cette fleur envahissante au point de provoquer l’overdose?
Le pissenlit fut pourtant la première fleur de mon enfance; je la cueillais, la sève jaune et collante coulait et les aigrettes s’envolaient, emportées par le vent et mon souffle. Je sais comment cette plante est faite, nous le savons tous: une longue tige creuse et rigide, des feuilles dentelées comme découpées (les dents-de-lion), une inflorescence jaune sous laquelle une jupette verte retient les capitules (les milliers de fleurs dont le pissenlit est composé) et une racine grande et dure en forme de carotte.
Quand le jardinier m’a demandé de mettre la fleur dans la bouche, j’ai pensé «tu as mangé du serpent et du crocodile, tu peux le faire». Il faut retrousser la petite jupe verte et arracher les fleurs avec les dents. Le goût est tout juste comestible et d’une grande amertume. Car la plante fait partie des asteraceae, comme l’artichaut. Elle partage avec les membres de cette famille des propriétés médicinales pour soigner le foie, mais est surtout connue pour ses propriétés diurétiques (d’où son nom).
Le jardinier devant moi le souligne fermement: «On peut se soigner avec les plantes»: la racine du pissenlit peut être râpée comme une carotte et mise dans la salade (en petite quantité), les fleurs peuvent être utilisées pour des confitures, du miel ou des tisanes et enfin, bien sûr, les feuilles dans leur jeune âge font une extraordinaire salade de dent-de-lion.
Je rentre chez moi bouche bée (et amère aussi). Le salon de l’herboristerie m’aura enseigné non seulement que je ne mourrai pas après avoir ingéré des pissenlits et d’autres plantes crues, mais que la nature est décidément plus généreuse que ce que je le pensais. Je vais intégrer la gratuité dans mes modèles économiques.
Douve Frieden
Plus d’infos sur le salon annuel de l’herboristerie pratique www.plantesetvie.ch
Decidemment, chaque fois une decouverte, de plantes et de Douve.