Lors d’un récent passage à Washington, je voulais visiter le jardin dont parlent tous les Américains: le potager de Michelle Obama à la Maison-Blanche. J’ai découvert que ce genre de visite se planifie plus longtemps que pour une audience avec le pape. Tant pis. Mais j’ai appris que la First Lady a pris cette initiative en 2008, quelques mois après la première élection de Barack Obama, défrichant 100 m2 d’une plate-bande de la Maison-Blanche. Les esprits conservateurs avaient secoué la tête, scandalisés que l’on déclasse une partie de jardin présidentiel au rang de kitchen garden.
Or ce n’était pas la première fois qu’un potager fleurissait sous l’avant-toit de la Maison-Blanche. Durant la Deuxième Guerre mondiale, en effet, Eleanor Roosevelt avait planté un Victory garden (jardin de la victoire) au même endroit. De nombreux jardins de ce nom ont été semés à la même époque au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suisse grâce au plan Wahlen. Il s’agissait à la fois de renforcer la motivation de la population et de subvenir aux besoins des civils rationnés en temps de guerre. Du jardin de la Maison- Blanche au plus petit lopin de terre en Europe, les plates-bandes publiques furent utilisées à cette fin. Michelle Obama a eu une idée semblable en l’appliquant au nouveau contexte social. Elle a fait le constat que, dans de nombreux quartiers, les enfants ne courent plus, les personnes ne se connaissent plus, les enfants ne savent plus d’où vient la nourriture qu’ils mangent et, bien sûr, que l’obésité – infantile aussi – a pris des proportions dramatiques. Son potager est devenu une réponse symbolique, très «Agenda 21», à tous ces problèmes: le modèle de jardin de quartier qu’elle propose renforce le sens de la communauté, son enracinement; les écoles viennent le visiter et y travailler; les visiteurs échangent des recettes et s’aident à planter et à consommer. De plus, son jardin a prouvé qu’on peut manger sainement sans se ruiner. Son jardin a donné des fruits, au sens propre et figuré, à travers d’autres jardins communaux. Surtout, il a permis de rapprocher les enfants de la nature, en particulier dans les villes.
Je pense que Michelle – permettez-moi de l’appeler par son prénom, dans la belle camaraderie des jardiniers –, Michelle, donc, a raison et mon jardin le prouve. Moi aussi, j’aime y amener les enfants pour qu’ils creusent la terre, mi-étonnés, mi-dégoûtés. Ils apprennent ainsi la patience et l’attention portée aux gestes du jardinier. J’aime y retrouver mes amis et partager avec eux les bons trucs pour faire pousser les légumes. J’aime voir le fruit de mes efforts dans mon assiette et discuter avec mes enfants sur le fait que les légumes, finalement, «ça a bon goût». J’ai appris que Michelle a demandé son mari de jolis gants de jardin et qu’il les lui a ramenés. Je vais demander les mêmes!
Article publié dans l’Echo Magazine