Aller au restaurant sans manger de viande? «Pour des légumes, reste à la maison», disait ma grand-mère! S’il y a un lieu pourtant où l’on apprécie les légumes, c’est l’Arpège, restaurant parisien trois fois étoilé d’Alain Passard. En 2001, il jetait un pavé dans la mare de la cuisine française en décidant de ne plus proposer de viande rouge sur sa carte. Depuis lors, son restaurant ne désemplit pas.
Le chef est devenu propriétaire de trois grands potagers situés dans différents coins de France. Ils fournissent son restaurant toute l’année en abondance de légumes, de la banale tomate à l’étonnant yacon. Fort de son expérience, Monsieur Passard publie Le meilleur du potager (Larousse) qui ouvre les portes de son plus grand jardin, situé en pays de la Loire. Il y décrit ses légumes préférés, leur mode de culture, et y ajoute de petites «notes gourmandes» pour les préparer. En le feuilletant, je me suis arrêtée au salsifis, un légume que j’ai toujours fui par peur de bredouiller son nom (tout simple, en fait, un peu comme «ça suffit»). C’est un légume-racine de la famille des astéracées déjà cultivé à l’époque de Pompéi. Ne craignant pas le gel, il n’est cependant pas copain du potager où il met du temps à grandir; et il sort difficilement de terre sans s’abîmer. Ma curiosité était piquée, il me fallait l’essayer.
Avec une voix de connaisseuse, mais sans savoir le reconnaître, je l’ai demandé à tous les étalages du marché jusqu’à ce que l’on m’en vende. «On dirait la baguette d’Harry Potter», ont dit les enfants. J’ai acquiescé. En effet, j’avais devant moi des petits bâtons de bois marron que je n’aurais jamais imaginé pouvoir consommer. Je les ai épluchés et, à ma grande surprise, j’ai découvert une chair blanche ivoire, perlant d’une sève collante et claire qui a laissé des traces brunes sur mes doigts. A la coupe, la résistance était celle de la carotte. La «note gourmande» proposait d’en faire un houmous tiède: il fallait les cuire dans du lait, les mixer avec du beurre salé et dresser cette mousseline tiède dans un bol, la parsemer de fleur de sel et de graines de sésame avec, en son centre, une confiture de citron jaune. Le résultat était incroyablement subtil. On peut regretter que l’ouvrage ne choisisse pas vraiment son camp, car il ne se veut ni traité de botanique ni livre de cuisine ni vrai livre de jardinage. Mais la découverte de certains légumes ouvre des horizons que je me réjouis d’explorer à la mesure de mon courage. J’ai essayé l’endive à la pomme. Unique. Christophe Blain, auteur d’Isaac le pirate, a aussi écrit une magnifique BD sur le chef étoilé, parsemée de recettes illustrées dont la simplicité est aussi trompeuse que celle du Meilleur du potager.
pour plus d’infos, on peut aussi voir les recettes d’Alain Passard en video
Article publié dans l‘Echo Magazine