C’est un homme humble, aussi capable à la plume qu’il l’est dans les grands et les petits jardins. Alain Baraton est le jardinier en chef du château de Versailles. Son travail, profondément ancré dans la terre, ne l’a pas empêché d’écrire une bonne dizaine de livres en vingt ans dont le dernier, Le dictionnaire amoureux des jardins (chez Plon), a été publié dans la collection des Dictionnaires amoureux en 2012. Un dictionnaire? Sur les jardins? On connaît les beaux livres d’images qui font rêver de jardins inaccessibles. Mais qui lira un dictionnaire écrit petit avec seulement quelques illustrations en noir et blanc? Pourtant, sitôt l’ouvrage ouvert, on comprend qu’il n’a pas son pareil et qu’il est peut-être celui qu’on cherchait depuis toujours en farfouillant dans les librairies.
Comme tout bon dictionnaire, il distille des informations très accessibles, de petites capsules de connaissances sur des sujets allant de la botanique à l’histoire des plantes et des jardins en passant par les grands noms de la botanique et de la floriculture. J’ai ainsi appris que la «quiconce» (ou l’art de disposer les objets par groupes de cinq dont quatre aux angles d’un carré et le cinquième au centre) est un vrai cauchemar pour le jardinier qui, s’il arrive à aligner les arbres des côtés, n’arrive jamais vraiment à aligner les arbres en diagonale. J’ai redécouvert ma brouette, cet outil indispensable au jardinier: créée en France au Moyen Âge par les bâtisseurs de cathédrales, elle a souvent été modifiée avant de prendre ses formes caractéristiques, propres aux corporations qui l’utilisent. Je sais désormais que la broderie est l’art de la taille des arbustes qui entourent les châteaux de la Renaissance. On «brodait» avant tout les buis, car ces arbustes vivent plus longtemps, sont verts toute l’année et se régénèrent volontiers en cas d’erreur de taille. Rappelant leur raffinement et la créativité des concepteurs de jardins, Baraton explique: «Ces ouvrages délicats sont nés de leur esprit créatif (…). Véritables œuvres d’art, ils sont considérés aujourd’hui comme des propriétés artistiques. Il est donc illégal de les reproduire chez soi». Enfin, j’ai été émue devant la description du jardin de Giverny qui a tant inspiré le peintre Claude Monet. Ce dernier a demandé d’y être enterré «comme un paysan», sans une fleur sur sa tombe, pour ne pas nuire à la beauté qui l’entourait.
Ce livre m’a aidé à comprendre ce qui fait les grands artisans: des hommes de talent qui se veulent au service de la beauté, des hommes à la recherche de leur chef-d’œuvre, une ouvre parfaite et aboutie, issue de la maîtrise d’un art. Alain Baraton part à la recherche de ces travailleurs de la terre et des plantes. Il montre avec tendresse que son métier est un artisanat et un art.
la photo est de Yann Arthus Bertrand
Article publié dans l’Echo Magazine